Reconquête! se félicite d’avoir présenté un certain nombre de candidats partout en France. Ce faisant, le parti d’Eric Zemmour se serait implanté dans de nombreuses circonscriptions. Ce qui est un échec patent (même le patron ne sera pas député) est donc transformé, par la magie d’un narratif hollywoodien propre aux partis politiques, en victoire militante. Aucun des lieutenants d’Eric Zemmour, ni Guillaume Peltier, ni Stanislas Rigault, ne feront entendre, au sein de l’Assemblée nationale, la voix d’un amour brûlant pour la patrie. On a longtemps reproché au premier d’avoir fréquemment changé d’écurie. En soi, les partis politiques ne sont que des moyens éphémères. Ils ne tiennent que par les hommes qui les composent. Mélenchon, qui a reconstitué autour de lui une coalition de gauche, en est le meilleur exemple. L’essentiel est de rester fidèle à un idéal. Le problème posé d’emblée par le choix de Guillaume Peltier réside dans son manque apparent d’intégrité : après avoir été l’une des figures de LMPT en 2013, il déclarait en 2019 que LR ne devait pas devenir « un petit parti conservateur » et qu’ « on ne peut pas être contre la PMA, sinon on passera pour des ringards » (L’Incorrect, 2 juin 2021).
La candidature de Zemmour à la présidentielle dépassait largement Reconquête!, qui, en toute logique, n’avait d’autre vocation que celle de plateforme de diffusion. En effet, cette campagne était celle d’un homme, d’un prophète, d’un sauveur providentiel (« Et pourquoi pas ? » répondait-il aux journalistes lui reprochant de s’identifier à De Gaulle). Il a eu le courage d’assumer ce rôle, et, comme Mélenchon revendique de porter la « colère » des précaires, le Z assume de porter les espoirs des patriotes. C’était la candidature de la survie, du choix entre la mort de la civilisation ou de la renaissance. Une candidature dont le carburant est le mythe ne peut survivre à un échec aussi cinglant. Zemmour, il faut lui reconnaître cela, a mis tous ses gains sur la table. Il l’a dit : il ne reviendra pas au Figaro ou à CNEWS.
Alors, comment Reconquête! survivra-t-il ? Par le mensonge répété sans cesse. Le mensonge selon lequel former un parti politique de masse, remplissant des salles et des boîtes aux lettres, a encore un rapport avec le fait de gagner une élection. Ce temps, celui des défilés monstres du PCF, est définitivement révolu. Marine Le Pen n’a pas organisé la moindre manifestation en réaction aux victimes du racisme antiblanc depuis dix ans. Pas une marche blanche pour le chauffeur de bus de Bayonne, pas un rassemblement pour Anne-Lorraine Schmidt… Rien. Néanmoins, elle fait un score historique aux présidentielles. Les militants de Reconquête! sont-ils jugés trop bêtes pour comprendre cela ? L’objectif de certains de leurs cadres est-il de faire carrière ou de porter, à l’exemple de leur chef, ce courage de la vérité qu’ils n’ont cessé d’arborer depuis septembre dernier ? Ce qui revient à se demander si Reconquête! sera un parti politique comme les autres, alors qu’il a déboulé dans l’arène comme une promesse révolutionnaire. Ici ou là, des cadres locaux prétendent décrypter les résultats, montrer que le score du parti est supérieur dans telle circonscription, marque d’un supposé raz-de-marée à venir…
Manipulation de militants au cœur pur, qui donnent tout pour la cause, et dont l’espoir ainsi dopé, demeure artificiellement vivant. Les partis politiques, ces vampires des temps modernes.
Julien Langella
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