L'euthanasie volontaire dans le film d'anticipation Soleil Vert (1973).
Réprésentant du courant cinématographique de la Nouvelle Vague et pilier de Mai 68, maoïste, gauchiste, réalisateur, critique, égérie des Cahiers du Cinéma, Jean-Luc Godard a choisi le « suicide assisté » pour en finir. Une mort typiquement soixante-huitarde, une fin stérile et immorale qui ne laisse derrière elle qu’un combat gagné d’avance par la Macronie : celui de la « fin de vie », expression consacrée lorsqu'on a peur de nommer la mort. Godard nous offre Soleil Vert sur un plateau d’argent, c’est d'ailleurs ce que sa génération nous a toujours proposé : la destruction de nos sociétés sous couvert de liberté, nous plongeant chaque jour un peu plus dans une dystopie pré-totalitaire. Cette génération appelle le désordre « liberté », la confusion « génie », l’instinct « raison », l’anarchie « énergie ». On entend déjà les journalistes, chiens de garde du pouvoir, entonner le magnifique « après soixante-cinq ans, on n’est plus utile » (CNews, Dimitri Pavlenko, 13/02/22, « Face à l’info »).
Ainsi, le réalisateur a commencé comme torpilleur de films par gauchisme élémentaire aux Cahiers du Cinéma. Puis, il s’est mis à « cancel » une bonne partie du cinéma français lorsque lui et ses copains de la Nouvelle Vague se sont lancés dans le métier. Déjà bien avant la cancel culture, la bande des Cahiers du Cinéma, de Lelouch à Louis Malle, a condamné par biais idéologique de brillants acteurs et réalisateurs à un oubli temporaire (Bertrand Blier, Melville). Godard, c’est ensuite le soixante-huitard, hué à la Sorbonne, qui s’applique néanmoins à mettre le festival de Cannes en grève. Il lance des films démocratiques où le réalisateur n’est plus le seul à choisir, puisque l’ensemble de l’équipe vote. Évidemment, c’est un échec.
À partir de ce moment, la Nouvelle Vague se fracture. Certains décident de continuer le chemin de la réussite et Jean-Luc décide de prendre le chemin inverse : celui de la réflexion autour du cinéma. Phase qu’il n’atteindra vraiment que dans les années 1990 et 2000 lorsqu’il arrêtera finalement pour de bon le cinéma traditionnel (scénario, intrigue, histoire, début, fin) pour des recherches sur la vidéo. Godard ira jusqu’à conspuer Truffaut qui, avec La Nuit Américaine, cire servilement les pompes de l’hydre américain. Le film recevra un Oscar et Truffaut sera récompensé par une apparition dans E.T. de Spielberg. Godard rompt. Pour lui, on ne peut pas se soumettre à l’impérialisme américain : il l'a prouvé avec Loin du Vietnam où il participe à un long et intéressant reportage sur la guerre du Vietnam d’un point de vue vietnamien. Il en profitera pour moquer Kubrick et son Full Metal Jacket, faussement subversif. Il accuse ce dernier de ne pas aller assez loin, en refusant de montrer les soldats vietnamiens, le film étant le message d’un Américain aux Américains à propos des Américains.
Il reste quelques points positifs chez Godard. Godard, c’est une réflexion autour du cinéma, c’est un homme qui donne une caméra à un Africain pour lui laisser filmer l’arrivée d’un président africain au lieu de faire lui-même ce travail, puis qui s’étonne que l’Africain fasse un plan « parfait » plutôt que de filmer les oiseaux ou de faire n’importe quoi, comme il l’aurait préféré. Oui, Jean-Luc, l’Afrique n’a pas eu Mai 68. Mais c’est aussi ce vieux monsieur qui se moque de Daniel Cohn-Bendit et de Romain Goupil (l’ancien des Jeunesses Communistes Révolutionnaires) qui, dans un tour de France en 2018, ne voient que la France qu’ils veulent voir. Godard avec un rictus vengeur et un rire malin avait déclaré : « ils n’ont pas vu les Gilets Jaunes ». Contrairement à Goupil, il n’a jamais viré néo-con et n’a jamais soutenu l'invasion américaine de l'Irak. Il y avait chez Godard une fidélité aux premiers idéaux, anti-impérialistes, sociaux, rebelles. Il était celui qui ne répondait plus aux journalistes, plus aux Césars (mais quand même un peu, comparé au réalisateur Jean-Pierre Mocky qui lui en voudra toujours d’avoir pactisé avec le gang cannois).
Finalement, Jean-Luc Godard c’était un monsieur intelligent dont une grande partie du travail vidéo est un immense pas dans l’avancée vers « autre chose » pour le cinéma. Mais il est resté fidèle à ses premiers engagements, demeurant un jouisseur égoïste. Derrière un acte « libre », où l’homme décide d’en finir par dépression, il commet l’acte ultime qui pourra lui permettre de rejoindre finalement Truffaut dans l’enfer des pleutres. Il se prend pour Dieu et choisit sa mort en dépit du reste, en dépit de la société. Malgré l’état de délitement du monde, Godard choisit de mettre sciemment en avant l’euthanasie. Plus lâche qu’un suicidaire, il est suicidé par des médecins. Jean Parvulesco, critique franquiste au Film Ideal dans les années 1960 prévenait : « Godard est le fils de Drieu de la Rochelle. » Oui, mais en soixante-huitard. Le critique espagnol voyait en Godard et Rohmer des nihilistes suprêmes qui pourraient détruire les valeurs bourgeoises et permettre l'avènement d’un « Nouveau Monde » (crypto-fasciste). C’était sans voir que le nihilisme, c’est d’abord le capitalisme. Ainsi, Godard finit sa vie en objet de promotion du suicide généralisé pour les « improductifs ». C’est en publiciste d’un outil visant à supprimer tous ceux qui seront coûteux ou inutiles que finit Jean-Luc Godard, l’un des rebelles en carton de Mai 68. Idiot utile du libéralisme attalien. Repose en paix... quand même.
Nathan Jé
Le blog d'Academia Christiana donne la parole à de jeunes contributeurs. Les positions prises dans leurs articles n’engagent que leurs auteurs.
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