Nous entrons dans le carême : temps propice à la redécouverte d’une vie intérieure plus profonde et à un recentrement sur l’essentiel.
Le carême est un temps de pénitence, qu’en est-il vraiment ?
S'agit-il de briser l’instinct vital qui est en nous ? De mortifier notre nature qui ne serait que pécheresse ? De noyer toute forme de virilité dans une piété mièvre ?
La pénitence consiste à réparer un mal, le mal étant par définition une absence de bien - le mal moral est un manque dans un acte pour que celui-ci soit à proprement parler un acte humain (1) - faire pénitence c’est donc réparer un mal en faisant le bien.
Psychologiquement on constatera aisément que « faire le bien » est un objectif plus attrayant que l’évitement du mal.
Faire pénitence consiste donc principalement en deux types d'actes :
s’entraîner à faire dominer son intelligence et sa volonté sur ses passions (comme un exercice de la volonté)
faire un acte de charité concret pour réparer un manquement à la charité qu’il soit de notre fait ou de celui d’une autre personne.
Les deux peuvent même se combiner : rendre un service à un ami par charité tout en renonçant à un confort égoïste.
Qu’est-ce que la charité ?
La charité n’est pas une vertu naturelle, nous sommes tous naturellement inclinés vers une forme d’amour de notre prochain. Une mère n’a pas besoin d’être vertueuse pour aimer son enfant. Il n’y a pas besoin d’être chrétien pour aimer son prochain.
Seule la blessure causée par le péché originel peut mettre du désordre dans cet amour que nous avons tous naturellement pour notre prochain.
La charité est une vertu surnaturelle qui consiste à aimer Dieu (2) et donc qui opère grâce à un secours divin. La charité consiste à vouloir le bien de notre prochain en conjuguant cet amour à l’amour de Dieu. La charité doit s’ordonner au vrai bien, il y a un ordre dans l’amour et des priorités en fonction des situations.
Sur le plan politique, le bien commun prime sur la famille. Dans l’ordre de la domus, la famille prime sur l’étranger.
La charité peut nous pousser à aimer notre ennemi (3), mais elle ne doit pas nous pousser à aimer un ennemi qui pourrait faire du mal à ceux que nous avons le devoir d’aimer en priorité.
La charité ne nous incite pas à commettre des injustices : on peut souhaiter qu’un tueur se convertisse, mais on ne peut pas lui souhaiter d’aller au ciel s’il n’a commis que des injustices sans jamais en exprimer le moindre repentir.
La charité peut donc s’incarner dans les oeuvres politiques : agir par amour de son pays en conjuguant cet amour à l’amour de Dieu c’est poser un acte de charité.
Notre foi catholique peut se vivre en tant que militants politiques à condition que nous ne cloisonnions pas en nous : la vie spirituelle et une « vie profane ».
Dans les principes nous devons distinguer naturel et surnaturel, nature et grâce, temporel et spirituel, politique évangélisation… mais concrètement c’est le même homme qui pose les mêmes actes. Un acte bon sur le plan naturel (faire un don, participer à une activité politique, tracter, se former, donner de son temps…) peut être offert à Dieu et devenir une oeuvre charitable.
Prenons maintenant nos résolutions de carême !
Il est traditionnel dans l’Église de se fixer trois résolutions à suivre durant ce temps liturgique, nous vous en proposons donc quelques unes interessantes :
- Dieu : prendre un temps de silence que l’on consacrera à la prière et à la lecture spirituelle (idéalement 15 minutes le matin avant d’aller travailler, dans une église).
- Le prochain et le bien commun : faire un don à une bonne oeuvre ou encore prendre soin de ses proches en renouant chaque semaine avec un membre de sa famille ou un ami qu’on a négligé. ou s’engager à être présent à un rendez-vous militant hebdomadaire.
- Soi-même : essayer de ne plus acheter aucune nourriture dans un super-marché en préférant l’achat de produits locaux chez des commerçants de proximité durant le temps du carême ou se remettre au sport pour exercer sa volonté, ou encore se priver de tout plaisir superflu qui pourrait nous aider à renforcer notre volonté le temps du carême.
Aucun de ces actes n’aura valeur de pénitence s’il n’est pas un acte bon et s’il n’est pas fait par amour pour Dieu en étant offert dans la prière. Aucun acte qui contreviendrait au bien commun ne peut être un véritable acte de charité. Camarade, arme ton âme et en avant !
Quelques conseils de lectures pour le carême :
L'âme de tout apostolat, Dom Chautard
Car toujours dure longtemps, Père Jérôme
L'imitation du Christ
Introduction à la vie dévote, Saint François de Sales
La bienheureuse Passion, Henri Pourrat
L'échelle de Jacob, Gustave Thibon
La Sagesse d'un pauvre, Eloi Leclerc
Notes : 1) Dans un acte humain, le mal moral est de manquer de la conformité à la mesure de la droite raison (parce que « mauvais » est la détermination d’un acte humain, qui métaphysiquement est bien une privation, mais comme en général on appréhende plutôt le péché par l’aspect où il est "tel acte" tendant positivement à une chose mauvaise…) 2) Même au plan naturel, Dieu doit être aimé par la créature rationnelle, plus qu’elle-même et par-dessus toute chose, parce qu’il est infiniment bon et infiniment aimable.
D’une part l’objet premier, par soi, de la charité est Dieu, d’autre part, il s’agit d’un autre amour que l’amour naturel :
- La charité est une vertu surnaturelle. Dieu, s’étend fait connaître à nous au-delà de ce que notre intelligence peut découvrir, comme Trinité, nous offre de l’aimer comme il s’aime lui-même, comme Trinité, ou comme charité subsistante, suprêmement bon, suprêmement aimable. - La charité, est dès lors la présence de Dieu en nous. La charité fonde l’amour surnaturel de nous-même et de notre prochain, et cette identité d’objet fonde le deuxième volet du commandement de l’amour : Aime Dieu par-dessus tout, et ton prochain comme toi-même. Et comme la charité a pour objet le bien suprême, elle répond à un ordre, celui de la présence de Dieu : en lui-même, et secondairement en tant qu’il est présent en l’homme, ou qu’il peut l’être. Dès lors le prochain est d’autant plus aimable qu’il est plus saint. - Cet amour du prochain répond cependant à un autre ordre : celui des situations de la vie humaine. La grâce de Dieu embrasse l’ordre de notre nature sociable sans la supprimer. Aussi le devoir de charité nous presse davantage vers celui que nous indique le bien de notre nature.
3) La charité nous presse d’aimer jusqu’à nos ennemis, à cause de son objet primaire, et elle nous presse de les aimer comme nous-même à cause de lui – elle ne nous délie pas du devoir de protéger ceux que l’ennemi menace et dont humainement nous avons la responsabilité.
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