
Lorsque Victor Aubert m'a soumis le thème de ce colloque : « Sécession ou Reconquête », la première réponse qui m'est venue à l'esprit est « Sécession ET Reconquête », Sécession comme préalable à la reconquête, la Sécession comme première étape de la Reconquête, si l'on veut. Car la Sécession est aujourd'hui indispensable, impérieuse. C'est une nécessité. C'est une nécessité car la société dans laquelle nous vivons, le monde dans lequel nous vivons, n'est plus réformable, il n'est plus amendable. Un monde où l'on prétend discuter fort sérieusement du fait de savoir si un homme peut être enceint, n'est plus amendable. Un monde dans lequel on applaudit d'ignobles amputations commises sur des enfants ou de jeunes adultes au nom d'une folle « théorie du genre » n'est pas réformable. Un monde où des crimes atroces sont commis quasi quotidiennement dans nos rues, mais ne suscitent pas d'autres réactions de la part de nos prétendues élites que des dénonciations d'une possible « récupération politique », n'est pas amendable. Enfin, un monde qui étouffe sous l'argent, qui croule sous les milliards tout en précarisant et paupérisant une part croissante de la population, n'est pas réformable. Ce monde est en guerre ouverte contre nous, contre ce à quoi nous croyons, ce à quoi nous sommes attachés et ce en quoi nous espérons.
Il faut donc s'extraire de ce monde, s'en retirer, faire un pas de côté, refuser de continuer à jouer à un jeu dont les règles sont truquées. Il faut le faire, tout d'abord pour se préserver, se protéger et protéger nos proches afin de tenter simplement de trouver les conditions d'une vie saine, honnête et sereine.
Mais une fois qu'on a affirmé le caractère impérieux de la Sécession, on n'a rien dit, ou en tout cas pas grand chose, car s'impose immédiatement la question « que faire ? » ou en l'occurrence « comment faire ? », comment faire « sécession » efficacement ? Et comme souvent, peut-être comme toujours, lorsque l'on se pose se genre de question, il convient de se tourner vers le passé, vers l'histoire, afin d'y trouver des exemples et d'y puiser des leçons qui puissent être utiles au présent et à l'avenir. C'est pourquoi, je vous propose d'évoquer quelques tentatives, parmi bien d'autres, de « sécession » qui ont eut lieu au cours de l'histoire et qui peuvent nous donner des indications utiles pour mener nos propres expériences.
On pourra tout d'abord penser à « Champs d'Asile », une communauté française créée au Texas en 1817 par des officiers et soldats bonapartistes après la seconde chute de Napoléon. Ces derniers, proscrits ou désespérés par la situation de la patrie, refusant de vivre dans un pays vaincu et sous un système politique qui ne leur convenait pas, décident donc de s'installer en Amérique, le congrès législatif des États-Unis leur accordant un bout de terre sur le territoire de l'actuel Alabama. La colonie s'appelera donc « Champs d'asile ». Souhaitant vivre « comme au bivouac », rejetant la vie civile et bourgeoise, ils s'organisent militairement autour de villages calqués sur des camps militaires. Ce sont des hommes rudes, habitués à la dureté des combats, mais rapidement, les difficultés économiques, l'éloignement géographique entretenant le « mal du pays », et le manque de femmes fragilisent la communauté. L'hostilité des espagnols revendiquant les terres ainsi que celle des indiens viendront à bout de l'expérience, les derniers grognards se dispersant finalement dans le reste du pays.
Autre tentative se Sécession, l'aventure de Fiume. En 1919, le grand poète Gabriele d'Annunzio et ses arditis décident d'occuper la ville de Fiume, dans le Nord de l'Italie. « L'Etat Libre de Fiume » est créé. Le but de l'opération est de proclamer à terme l'annexion de la ville à l'Italie et de forcer ainsi la main aux délégués des puissances victorieuses de la Première Guerre mondiale, qui participaient alors à la Conférence de paix de Paris. L'occupation débute le 12 septembre 1919 et dure pendant 16 mois. Entre envolées lyriques et bacchanales débridées, c'est une expérience surréaliste qui marquera fortement l'imaginaire révolutionnaire. Elle se terminera le 31 décembre 1920, par la capitulation de D'Annunzio et le départ des arditis après une résistance courageuse face à l'armée régulière italienne.
Enfin, plus récemment, le phénomène « hippie », dans les années 60 puis 70, souvent caricaturé ou moqué, parfois à raison, a sans doute représenté l'une des dernières grandes tentatives, en France notamment, de sécession envers le modèle capitaliste. Ce mouvement est indiscutablement porteur de valeur qui nous sont proches : rejet du capitalisme et de la sur-consommation, simplicité volontaire, retour à la terre, désir de redécouvrir les métiers manuels et la paysannerie, primauté du collectif sur l'individuel. La démarche hippie échouera néanmoins malgré tout, brisée par le chaos anarchique, la banalisation des drogues, et les jalousies et les haines nées de l'utopie mortifère de « l'amour libre ».
En résumant très rapidement, on peut énumérer quelques unes des raisons de l'échec de ces expériences: une militarisation excessive, et passablement folklorique, une absence de transcendance, une naïveté « rousseauiste » rêvant d'un homme « nouveau » débarrassé de toutes ses tares en échappant à la « société », et un désordre sexuel institutionnalisé.
Ces écueils, ces impasses, qui ont sonné le glas des expériences que nous avons évoqué malgré leurs qualités respectives, nous avons, pour notre part, les moyens de nous en écarter, de les éviter. Nous le pouvons, tout d'abord, grâce au catholicisme qui nous offre, ou du moins nous aide à posséder, un cadre moral et une solide colonne vertébrale spirituelle et éthique. Nous le pouvons également grâce à notre acceptation des principes et lois naturels et notre absence d'illusion sur la nature humaine, ses tares et ses faiblesses. Nous le pouvons encore grâce à notre attachement, parfois excessif mais néanmoins indispensable, à l'Ordre et à la hiérarchie ; attachement qu'il ne faut pas confondre avec une quelconque fascination pour le caporalisme mais qui est l'acceptation d'une saine méritocratie, au sein de laquelle chacun est à sa place, mais où chacun a également sa place, y compris l'idiot du village.
Nous avons donc les armes pour réussir où d'autres ont échoué. Et c'est donc dans cette optique que je vous propose le programme suivant – il est assez audacieux j'en conviens - : devenons des grognards arditis hippies catholiques, et ainsi rompons définitivement avec ce monde vétuste et sans joie, en fondant nos communautés sécessionnistes qui seront, demain, les camps de base de la Reconquête.
Xavier Eman
Allocution prononcée dans le cadre du colloque Sécession ou reconquête le 5 novembre 2022.
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