Problème global, solutions locales
Dernière mise à jour : 28 août 2021
L’une des caractéristiques les plus frappantes de notre époque est non seulement l’envergure inédite des menaces qui planent sur les sociétés humaines, mais surtout la conscience que nous avons de leur caractère global. Nous savons d’où viennent les catastrophes qui nous atteignent. Nous savons qu’un changement de régime en Afghanistan provoquera une vague d’agression dans les rues de Berlin, Rome ou Paris. Nous savons que la construction des centrales à charbon chinoises accroit le risque d’inondations ou de tempêtes en Europe. Nous savons que les magouilles d’une bande de banquiers centraux au-delà de l’Atlantique peut faire croitre le prix du pain chez notre boulanger. Non seulement nous le savons, mais les médias et les réseaux sociaux, avides d’attention, se chargent en permanence d’agiter sous notre nez les causes spectaculaires de nos malheurs. Gavés d’images, nous assistons en spectateurs passifs et anesthésiés à un spectacle grotesque, celui d’un monde qui s’enfonce dans l’abîme, accompagné des commentaires incessants de tout un chacun. Tout cela renforce l’impression d’impuissance que nous entretenons à l’égard de notre propre vie. Si les causes sont lointaines, les solutions le sont forcément. Et il faut obtenir une solution concertée entre toutes les parties concernées. D’où la multiplication des sommets, des comités Théodule, des protocoles et des chartes en tout genre organisés par l’élite mondiale. Jolie mise en scène de l’inaction verbeuse et boursouflée de sa propre importance. Si les causes de nos maux sont lointaines, leurs conséquences nous sont proches, douloureusement proches. Et les conséquences peuvent être anticipées, atténuées, contenues. Peu nous importe la tempête qui menace de se déchaîner au large si nos digues sont solides et nos ports profonds. Nous devons sauver ce qui peut l’être, préserver nos familles et nos communautés et nous tourner vers l’avenir sereinement, sans illusions sur la dureté des temps qui viennent, mais ferme, dans l’attente des jours meilleurs. « Là où croît le danger, croît aussi ce qui sauve » écrivait Hölderlin. Criminalité, enseignement, culture, climat. Dans chacun de ces domaines, la préparation collective, selon les conditions du lieu, peut accroître notre résilience, notre capacité à faire face aux crises qui viennent, et qui sont parfois déjà en cours. Cet échelon « local » n’est pas forcément communal. Il peut être régional, national ou autre. Mais il procède toujours du constat que les causes sont, dans une large part, hors de notre portée, et que laisser la situation se dégrader passivement serait criminel. Attendre la solution parfaite qui sauverait le monde revient à une condamnation à vie à l’inaction. Si nous connaissons les choses qui ne vont pas chez nous, pourquoi attendre qu’un fonctionnaire dûment patenté du Gouvernement-Mondial-Pour-Régler- Vos-Soucis débarque pour s’en occuper ? La planification mondiale ne peut pas régler nos problèmes, il est illusoire de croire que la multiplicité des situations locales puissent faire l’objet d’une réponse appropriée de la part d’une autorité centrale lointaine. Un changement global et radical bouleversera peut-être le monde. Peut-être même verrons-nous nos efforts commencer à payer. Sans doute que non. Mais si ce changement vient, il sera le fruit de l’ensemble des actions humbles, oubliés et oubliables mis en œuvre par des communautés solides et actives, enracinées dans l’amour de leur peuple et dans le Christ.
Mayeul Seydoux