Pendant que le coronavirus accapare l’attention des gens, le système mondialisé en profite pour pousser ses pions toujours plus loin, pénétrer toujours plus profondément notre territoire. Cette fois-ci, c’est McDonald’s qui veut s’implanter dans l’Aveyron pour y servir sa malbouffe écœurante aux jeunes comme aux moins jeunes de la petite commune pittoresque d’Espalion (4 600 habitants). À ceux qui croyaient encore que nos campagnes étaient préservées du fléau de l’uniformisation des sociétés occidentales, force est de constater que ce n’est déjà plus le cas. Le système capitaliste, tel une lèpre, défigure chaque jour un peu plus nos campagnes.
Néanmoins, la mobilisation contre ce genre de projets, trop rare de nos jours, à plus forte raison en pleine crise sanitaire, mérite d’être saluée. Il faut dire aussi que McDonald’s a plutôt mal choisi son coin.
En effet, les plus jeunes d’entre nous l’ignorent peut-être, mais c’est en Aveyron, à Millau plus précisément, que José Bové, figure de la lutte contre les céréales OGM et le bœuf aux hormones, et quelques-uns de ses camarades avaient démonté un McDonald’s en 1999. L’affaire avait fait grand bruit à l’époque. José Bové avait été incarcéré, et devant le retentissement médiatique de l’affaire, y compris à l’étranger, des agriculteurs du monde entier avaient fait une cagnotte pour payer sa caution. L’image de José Bové le poing levé à sa sortie de prison avait fait le tour du monde.
José Bové sortant de prison
Le Larzac, région naturelle de l’Aveyron, avait aussi fait l’actualité dans les années 1970, lors de la lutte qui opposa les paysans du Larzac à l’État français, à partir de 1971, quand le ministère de la Défense avait décidé d’agrandir le camp militaire du Larzac, ce qui devait conduire à des expropriations de paysans. Après 10 ans d’âpre lutte, le projet fut finalement abandonné en 1981. L’Aveyron est donc bel et bien une terre de luttes.
Les raisons de s’opposer à l’implantation des McDonald’s et autres chaînes de restauration rapide américaines chez nous ne manquent pas. Quel citadin s’attendrait à trouver un McDo dans un bled de 4 000 âmes du fin fond de l’Aveyron ?
Implanter des McDo dans nos campagnes où la jeunesse, quand elle n’est pas défoncée au chichon, est tiraillée entre des boulots miséreux dans l’agriculture qui la condamnent à la précarité éternelle ou l’exode rural, où l’on doit faire deux heures de voiture pour une consultation médicale, où les petits commerces ferment les uns après les autres, où les restaurants crèvent la gueule ouverte à cause des mesures de restriction iniques instaurées par le gouvernement, paraît assez scandaleux, même si ce n’est pas surprenant. D’autant que si la crise sanitaire venait à se prolonger, les fast-foods seraient favorisés car ils proposent des drives, plus pratiques que les plats à emporter chez nombre de petits restaurateurs qui ne feraient peut-être pas le poids face à un concurrent de cette taille. L’apparition de livreurs Deliveroo ou Uber Eats dans les campagnes ne serait alors qu’une question de temps.
D’aucuns rétorqueront que ce McDo contribuera à l’emploi des jeunes pour éviter qu’ils ne fuient vers les grosses agglomérations. Mais ce n’est qu’un pansement sur une jambe de bois. La malbouffe se nourrit des problèmes sociaux quand elle ne les aggrave pas. Nous ne pouvons-nous résoudre à ces solutions de facilité. Pourquoi manger des hamburgers au bœuf industriel quand on vit si près de l’Aubrac et de sa race bovine si réputée pour sa viande ? Au lieu de cela, nous préférons encourager les initiatives locales, comme les associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP), les épiceries locales qui s’appuient sur les circuits courts et toute initiative permettant de manger local tout en soutenant les éleveurs de nos territoires.
Ces initiatives pourraient aussi permettre de faire redécouvrir la gastronomie de nos régions. Combien de Français ignorent jusqu’à la gastronomie de leur propre terroir ? La France, pays de la gastronomie par excellence, devrait s’honorer de taxer très fortement les chaînes de restauration rapide américaines pour amortir les effets néfastes de la malbouffe sur la société (explosion de l’obésité, des maladies cardiovasculaires, des diabètes, de plus en plus précoces). Il est insupportable que nos bouteilles de vins, qui font la fierté de centaines de domaines viticoles, soient plus lourdement taxées que les plats de malbouffe servis dans les chaînes de restauration rapide, quand ces derniers sont, et le seront encore davantage, infiniment plus nocifs pour la santé. Si l’État est capable de taxer le tabac, l’alcool ou les jeux d’argents, il peut bien taxer la malbouffe. Certains pays l’ont déjà fait.
En Aveyron comme ailleurs, le combat continue. Bové a créé un précédent qui ne demande qu’à être réitéré. Mais il apparaît encore plus important de construire, pour proposer des alternatives à ce modèle économique inadapté à nos territoires. À l’heure où le monde agricole souffre, sacrifié sur l’autel de la PAC, étranglé dans un carcan de normes européennes, soutenons nos AMAP, nos agriculteurs, nos éleveurs, nos marchés fermiers, nos épiceries de terroir. Le mondialisme, c’est comme la gangrène, soit on le combat, soit on en crève. Et croyez-moi, un bon aligot à la tome de Laguiole, ça vaut tous les BigMac du monde !
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Fréquence Soleil Vert
Scandaleux, en effet, mais prendre José Bové pour exemple est se ranger à un autre extrême. Si la mal-bouffe émanant des Etats Unis est délétère pour nos citoyens, n'oublions pas que l'agriculture Française nourrit plus de vache qu'elle ne nourrit d'hommes et de femmes. L'agriculture intensive détruit la diversité de la flore et de la faune du fait de son émancipation interminable. Plus de 39% de notre agriculture est destiné à la betterave sucrière, avec lequel on fabrique le sucre blanc, celui qui est responsable de tant de pathologies destructrices de l'organisme. Quant au blé et son gluten indigeste, il prend près de 36% de nos surfaces terrestres, en France, alors que l'on dénonce de plus en plus le blé…