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Otumba, 7 juillet 1520 : la victoire de l’audace


Hernán Cortés.


Aucune statue ne lui rend hommage dans la nation qu’il a pourtant fondée : le Mexique. Tout juste une plaque dans le chœur de l’église de l’Immaculée conception à Mexico, où reposent ses restes.


A Antigua, près de Veracruz, ville qu’il a érigée sur la côte du golfe du Mexique, les racines gargantuesques d’un arbre tropical enserre les ruines de sa maison, toujours visitée.


Dans la capitale du pays de l’aigle et du maïs, un buste de Cuauhtemoc honore le dernier chef de la tribu des Mexicas, qui succéda à l’empereur aztèque Montezuma.


Malgré cela, les Mexicains savent ce qu’ils doivent aux Européens : par le mélange avec les Espagnols, leur pays vint au monde. Cortés était un jeune juriste qui s’ennuyait à l’université et choisit de mettre les voiles, en 1511, pour participer à la conquête de Cuba, bien qu’il joua essentiellement le rôle de secrétaire. Aimant particulièrement la compagnie des dames, ses imprudences lui suscitèrent des ennemis mais lui sauva aussi la vie : en glissant sur les tuiles d’une maison où demeurait la belle Catalina, il fit une chute douloureuse qui l’empêcha de prendre part à la désastreuse expédition du Darien, au sud de l’Amérique centrale. D’autres aventures, plus ou moins heureuses, lui passeront sous le nez. Peu importe, Hernán Cortés attendait son heure. En février 1519, à trente-quatre ans et sans véritable expérience du combat, profitant d’une ambiguïté sur le but réel de l’expédition (le gros Velasquez, gouverneur de Cuba, comprendra trop tard l’ambition de son jeune rival), Cortés s’entoura de vétérans des guerres d’Italie et d’autres soldats chevronnés pour conquérir un espace infini. L’histoire est connue : 500 conquistadors contre des millions d’Indiens amateurs de sacrifices humains, le sabordage volontaire des vaisseaux (« Vaincre ou mourir ! »), des prophéties antiques annonçant le retour du Serpent à Plumes, les dissensions qui frôlèrent la mutinerie et les soldats de Velasquez lancés à ses trousses, une longue marche à travers la jungle, la steppe brûlée de soleil et les hauts plateaux cernés de volcans aux pentes enneigées… Deux ans plus tard, Tenochtitlan, la Venise américaine, plus peuplée que Londres ou Paris, succombait à un siège naval ! Trois ans après, les douze apôtres du Nouveau monde accostèrent dans ce que l’on appelait désormais « la Nouvelle Espagne », et le Jules César des Amériques, Cortés en personne, s’agenouilla pour baiser leur robe de bure tout élimée. Encore six ans plus tard, en 1531, tandis que l’hérésie protestante défigurait l’Europe, l’apparition de Notre-Dame de Guadalupe subjugua les cœurs et porta neuf millions d’âmes vers Son divin fils. Mais avant cela, il y eut Otumba. Sans la prodigieuse victoire d’Otumba, tout cela ne serait resté qu’un rêve. Elle prend place entre la Noche Triste, le 30 juin 1520, fuite désespérée en dehors de Tenochtitlan, où les conquistadors furent piégés par la population, et le retour victorieux du 13 août 1521. Entre les deux, il y a Otumba, le 7 juillet 1520. Les Espagnols, harassés, ont perdu le trésor aztèque et quelques-uns de leurs meilleurs officiers ont péri. Avant laNoche Triste, le contingent avait été renforcé de plusieurs centaines de soldats venus de Cuba, de telle manière que pendant cette nuit funeste, on a pu compter 850 disparus : morts pendant leur fuite ou sacrifiés sur les pyramides. Ainsi, il ne restait que 440 soldats, une centaine d’alliés indiens, douze arbalétriers, sept arquebusiers, vingt chevaux et quelques canons hors d’usage. Toutefois, la plus grande force de Cortés, c’est son intelligence des situations, sa capacité à prendre la bonne décision au bon moment. Cette force ne l’a jamais quittée, du moins pas encore, et il va le montrer. Le conquérant a été blessé deux fois à la tête, un cheval vient d’être mangé par la troupe et les Aztèques, enhardis par le départ des envahisseurs, les prennent en chasse.


Dans la plaine, les plumes des coiffes indiennes ondulent sous l’effet du vent. Les guerriers sont nombreux : 40 000 ? 50 000 ? On peine à le dire, mais le chiffre est colossal en comparaison des maigres effectifs espagnols. Comme à la bataille des Thermopyles ou celle de Montgisard, qui vit 6 000 croisés menés par Baudouin de Jérusalem contre 24 000 guerriers maures, Otumba est l’une de ces grandes heures où l’homme européen dut compenser son infériorité numérique par son ingéniosité et sa bravoure exceptionnelles.


Cortés portant l'étendard aztèque à Otumba
Cortés portant l'étendard aztèque à Otumba

Le chroniqueur Bernal Díaz del Castillo relate : « Le combat fut si serré que nous pouvions à peine distinguer les ennemis des nôtres. (…) Alors, Cortésayant vu le général afficher ses riches armes d’or et ses panaches argentés, s’écria : “Attentions señores, chargeons ces personnages !”. Cortés vint donner du poitrail de son cheval sur le commandant mexicain et abattit son drapeau. (…) Après la mort du porte-drapeau et le massacre de quelques autres, l’ardeur de nos ennemis se refroidît considérablement. » Se ruant sur l’ennemi en scandant ¡ Santiago y cierra España ! (« Saint-Jacques ! Et reste ferme, Espagne ! »), l’antique cri de guerre castillan, une charge foudroyante de treize cavaliers terrasse l’état-major aztèque et plonge le reste de l’armée dans une effroyable panique.


Celle-ci se débande et se réfugie dans sa forteresse lacustre. « Quant à nous, dit encore Bernal Díaz, nous ne souffrions plus de nos blessures, nous n’avions ni soif ni faim, on eût dit que nous n’avions éprouvé ni malheurs ni fatigues (…) Nous nous rassemblâmes pour rendre grâces à Dieu, qui nous avait permis d’échapper à cette multitude, car on n’avait jamais vu et on ne vit jamais dans les Indes, en bataille rangée, un si grand nombre de guerriers réunis. » 


Après ce haut fait d’armes, les alliés indiens, les féroces Tlaxcaltèques, redoublèrent d’enthousiasme et couvrirent leurs murs de fresques à la gloire des vainqueurs d’Otumba. Les conquistadors panseront leurs plaies à Tlaxcala, chez leurs amis, et se prépareront à l’assaut final. Ils construiront plusieurs navires en kit et les assembleront, pièce après pièce, sur les rives du lac… L’audace, jusqu’au bout ! 

Julien Langella



Retrouvez tous les samedis, dans le Quotidien Présent, les réflexions inspirées par l’actualité à Julien Langella, cofondateur de Génération identitaire et membre d’Academia Christiana.


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