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La nature de l’homme et la grâce de Dieu


La « nature » : être « homme », une harmonie dans la complexité

Sens du mot : ce qui naît (latin : nascor  natura), ce qui pousse, grandit (grec : phuô  phusis). Observation de quelque chose de stable dans les plantes et les animaux : les éléphants n’enfantent généralement pas de crocodiles…

La conquête de la notion par les sages : extension de l’observation à l’ensemble des réalités observées : les éléments (ils ont des propriétés stables), les astres (ils ont des orbites définies). Socrate, Platon et Aristote – les « puissants génies » du miracle grec – élaborent cette notion issue du sens commun :

1. le monde n’est pas un flux incessant de choses confuses dominés de façon imprévisible par des esprits ou des dieux capricieux, mais un cosmos : un ensemble ordonné accessible à la raison (logos) ;

2. les choses (par exemple la justice) ont une essence stable (c’est cela qui permet d’en parler), qui s’exprime de façon dynamique par leurs propriétés et leurs actions : la nature.

En regardant ce qu’est l’homme, on note que c’est :

– une réalité complexe : corporelle et spirituelle

– et progressive : il n’atteint pas sa perfection, corporelle et surtout spirituelle, tout de suite.

Il doit donc obtenir progressivement un ensemble de biens (satisfaisant les diverses parties de sa nature), selon l’ordre même des inclinations naturelles : d’où la nécessité de l’éducation, de la transmission de la culture et de la vie politique.

Le contenu de la nature pour l’homme s’exprime par trois niveaux dans ses inclinations naturelles, correspondant

– à ce que l’homme a de commun avec tous les êtres : le désir de persévérer dans son être (l’instinct de conservation) ;

– à ce qu’il a de commun avec les autres animaux : se multiplier (chercher le bien de l’espèce) ;

– et à ce qu’il a en propre : chercher la vérité, notamment sur Dieu, et vivre en société).

La description part de l’observation du réel : ce qui permet à son essence dynamique, sa nature complexe de se réaliser, mais dans l’unité de ce qu’elle est, ici un animal raisonnable (donc aussi politique et religieux).

L’homme et la société ne peuvent faire l’économie de la question de Dieu : son existence est accessible à la raison et confirme ultimement le sens moral inné chez tout homme. Premier devoir : chercher Dieu (« Mon Dieu, si vous existez daignez me le faire connaître »).

La « grâce qui élève » : devenir fils de Dieu, une belle aventure

Sens du mot : du latin gratia, ce qui n’est pas un dû, mais un don (ex : faire grâce à un condamné) ; ce qui est gratuit, gracieux, beau (charis en grec) (Ex : la grâce d’une danseuse ; une remise gracieuse).

On peut dire : dans un sens large, la création est une grâce car Dieu n’est pas tenu de la faire. Mais une fois qu’il l’a faite, elle comporte cette nécessité que les natures soient ce qu’elles sont et que leurs propriétés ou lois sont stables (conquête du monothéisme).

Ce que Dieu fait au-delà de cette création ordonnée et cohérente, où chaque chose réalise sa « nature » : poursuivre sa fin propre et manifester ainsi la gloire de Dieu, on l’appelle, dans la tradition chrétienne, grâce au sens propre : faire entrer des créatures spirituelles dans sa vie propre. On parle alors de sur-naturel.

Trois aspects de la grâce de Dieu ou du surnaturel :

1. Le surnaturel des signes : Dieu se fait connaître, non seulement par l’ordre du monde, mais directement. Il donne alors des signes crédibles de son intervention, les miracles et les prophéties. C’est ce qu’il a fait pour Jésus de Nazareth.

2. Le surnaturel des mystères : Dieu dit alors ce qui il est et ce qu’il fait, c’est le contenu de la révélation : la Trinité et de l’Incarnation.

3. Le surnaturel de la divinisation : Dieu appelle l’homme à jouir éternellement de son bonheur divin, commencé ici-bas dans la grâce « sanctifiante » et parfait au « ciel » dans la gloire.

Il y a un devoir de chercher loyalement s’il en a bien été ainsi : le Christ est-il Dieu ? ; l’Église est-elle mandatée par lui ?) ; et de demander la foi salutaire : « Mon Dieu, si vous avez parlé, daignez me le faire connaître ».

La « grâce qui soigne » : devenir ce que l’on est, une conquête difficile

Nous avons évoqué plus haut les grandes inclinations qui découlent de la nature de l’homme. C’est ce que l’on appelle la « loi naturelle ». Attention, ce n’est pas une sorte d’impératif catégorique pour gens bien éduqués, mais vraiment la trajectoire de la « nature » humaine le bonheur, qui est sa fin. C’est une condition nécessaire de la vie humaine en société.

Mais l’histoire des hommes nous fait constater que tous ne peuvent arriver à la connaître, facilement, avec la certitude voulue pour engager toute sa vie, et sans mélange d’erreur. La révélation chrétienne nous apprend que c’est du fait d’une catastrophe originelle, qui, sans détruire la nature, l’a blessée (le péché originel).

Donc Dieu a révélé les grands principes de cette loi : ce sont les dix commandements donnés à Moïse le Décalogue. La perfection d’une de civilisation se mesure en grande partie au degré d’observation de cette loi.

Et on ne peut, de fait, observer la loi naturelle constamment et intégralement sans l’aide de Dieu. Aussi un des effets de la grâce qui élève (au-dessus de la nature) est de « soigner » la nature. La grâce n’enlève pas la nature, elle la perfectionne. Une vérification historique de cette vérité c’est que les peuples qui, après avoir reçu les bienfaits de la révélation, ont rejeté le Christ et son Église, sont tombés en dessous de la nature et même dans une révolte contre ses données les plus certaines : la dimension spirituelle et religieuse de l’homme, son droit à la vie de la conception à la mort naturelle, la vérité du mariage et la vraie liberté de l’éducation…

Vrai bonheur de vivre comme des fils de Dieu : par surcroit, est donné l’humanité autant qu’elle est possible ici-bas.

La densité de Saint Exupéry : devenir ce que l’on est. « Au ciel, je serai un homme » (Saint Ignace d’Antioche).

Père Louis-Marie de Blignières

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